Présentation

Comment soulever de grandes questions existentielles sans plomber l'ambiance ? Avec un roman peut-être...


Le sens biologique prétend que l'on doit assurer la préservation de notre espèce par la procréation mais cela n'explique pas la raison profonde de l'existence humaine et du monde qui nous entoure, le pourquoi d'un tel chantier entrepris par le Créateur... 

Ce récit extrêmement abordable permet de découvrir que le but de notre passage sur terre c'est de parvenir à l'épanouissement personnel et individuel, savoir qui on est vraiment, et ne pas se fuir derrière des repères extérieurs : les règles de la société.

Certains vont se persuader d'être dans la meilleure ligne de conduite possible en se jetant dans le travail, dans leur famille, dans l'apparence. 
("faire bien" aux yeux des autres plutôt que "d'être bien" avec soi-même)

Ceux qui ont une haute estime d'eux vont mettre la barre très haute. (s'oublier en se vouant à un ordre moral rigoureux comme mon personnage principal) 
Ceux qui ont une piètre considération d'eux-mêmes vont se jeter dans la facilité, la drogue, l'alcool ou dans la dépression parce que leurs ressources personnelles auront été sapées dans leur enfance, ignorées, donc non développées. (comme mes personnages secondaires)

En réalité, nous sommes construits sur le même modèle :
sensations physiques, mentales, émotionnelles et spirituelles.

Nous avons tous la liberté et la chance de les développer différemment. 
Il serait donc aberrant de penser que nous pourrions être mieux ou moins bien que notre voisin puisque nous sommes tous identiques.
(issus de cette même nature humaine)

Nous avons donc tous strictement "la même valeur intrinsèque". 
Nous sommes tous des Dieux potentiels, 
alors cessons cette quête absurde et impossible d'essayer d'être mieux que l'autre puisque nous venons tous de la même source, 
nous sommes à l'origine égaux

Plus qu'égaux, nous sommes UN reliés les uns les autres par cette identité commune : Dieu
à qui nous devons tout. L'oubli de notre nature divine* et de notre union aux autres et à Dieu est nécessaire pour la reconquérir volontairement et consciemment car Dieu désire pour nous que nous soyons acteur de notre véritable nature.
*il ne faut rien voir de prétentieux quand j'évoque notre nature divine.

Le simple fait "d'être" là, ici et maintenant prouve l'intention aimante de notre Créateur de vouloir nous hisser à son rang en nous laissant la liberté totale d'expérimenter toutes nos propres créations individuelles même si la plupart du temps elles nous éloignent de son rang. 

La patience de Dieu est infinie devant notre lente évolution... notre retour vers Lui.

Le récit dévoile Son amour inconditionnel pour chacun d'entre nous.
Dieu m'aime... Je suis donc aimable... quelqu'un de bien...
Dieu m'aime... oui mais Il aime l'autre autant que moi.... 
Cet autre qui la plupart du temps m'insupporte, est donc digne d'amour autant que moi...

Ce récit révèle qu'il est aussi stupide de ne pas s'aimer soi-même que de ne pas aimer autrui !

Ce récit nous ouvre à la règle d'or, 
que l'on retrouve curieusement dans le premier 
commandement de la Bible et dans TOUTES les religions :
 "Aimer son prochain comme soi-même !"
Le plus dur étant de s'aimer soi-même...

Il n'y a que notre regard sur nous-même qui diffère,
qui génère et creuse les différences... 
Quand notre regard sur nous-même est positif, 
quand on croit en soi, on va loin... 
ou plus exactement "là où on veut aller" 
et quand on ne croit pas en soi, 
on piétine... 
L'essentiel est donc d'être bien avec soi, 
d'être "en amitié" avec soi 
et alors il n'y a plus qu'une seule et simple conduite à tenir :
 "Aime et fais ce que tu veux !" 
Ce qui implique bien sûr de s'aimer soi-même en premier, 
en priorité...



Le parcours de ce prêtre dans mon roman n'est qu'un prétexte pour dire que l'on ne doit en aucun cas confier notre épanouissement personnel, notre réalisation individuelle à une institution religieuse ou à quelqu'un d'autre que soi-même. 

Dans le premier tome, je dénonce l'autorité de l'Eglise qui contrarie le principe même du libre arbitre accordé par Dieu et qui s'attribue l'exclusivité de la connaissance spirituelle ainsi que le droit d'interdire une vie sociale normale aux prêtres. 
(si elle leur proposait un choix volontaire et non une obligation du célibat, elle entamerait une belle évolution qui la rendrait un peu plus humaine et plus crédible aux yeux de tous.) 

Dans le deuxième tome, j'étends mon idée pour tous les autres choix humains 
et je dénonce l'intolérance de ceux qui jugent un "comportement différent" quel qu'il soit 
avant de chercher à le comprendre. 
Pour cela, j'aborde le thème de l'homosexualité.
Là encore, personne ne peut se donner autorité pour juger qu'il est inconvenant que deux hommes (ou deux femmes) trouvent leur épanouissement personnel en vivant ensemble. 
Et sur ce sujet, il n'y a pas que l'Eglise qui ait besoin d'évoluer.

Résumé du récit:

Voué à un destin brillant de compositeur talentueux, Théo a pourtant choisi l’autre lumière...
Il exerce son ministère de prêtre à Castenon dans une paix évidente, une joie contagieuse, un bonheur lumineux jusqu’au jour où il fait une dangereuse rencontre…
Le père Théo est touché par la nouvelle institutrice du village. Le deuil éprouvant qu’elle affronte suscite sa compassion. 
En toute bonne foi… il veut l’apaiser, la réconcilier avec Dieu sans imaginer qu’elle succombe à son charme dès leur première rencontre.

Lisane décide de le détourner de sa vocation par tous les moyens et se laisse malgré tout séduire aussi par ses paroles qui transportent, interpellent, fascinent, répondent à ses questions existentielles.
Avec espièglerie, la jeune femme va bousculer cet homme empêtré dans ses émotions et dans son idéalisme religieux.
Elle va lui faire prendre conscience du malaise de son église en abordant sans complexes les sujets les plus délicats : la crise des vocations, la désertion ou la tiédeur des pratiquants, l’hypocrisie de l’église, le célibat des prêtres, la gestion de leur solitude et de leurs sentiments…
Progressivement, Théophane se réconcilie avec sa nature humaine… ainsi qu'avec son passé douloureux. Toutes les belles et nobles convictions de ce prêtre parfait vont se trouver perturbées, déroutées pour être finalement magnifiées dans une foi, une quête spirituelle encore plus déconcertante...

« Fais-moi un signe ! » est une prière suppliante 
que généralement on adresse avec colère à un Dieu jugé cruel, inaccessible, incompréhensible et silencieux devant les épreuves de nos vies.
Dans la bouche du père Théo, Il devient l’Ami Invisible et aimant… ce bel inconnu si proche…

« Toi… Bel Inconnu si proche
A ton ciel je m’accroche
pour affronter le monde
qui m’écorche chaque seconde.
Prends ma voix et désarme
cette terre embuée de larmes
à la fois agitée de violence
et endormie d’indifférence.

Toi… Bel Inconnu si proche
A ton ciel je m’accroche.
Ta présence est ce qui vit en moi.
Ton amour est ce qui aime en moi.
Je Te sens avant de Te croire
comme un souffle d’espoir
même si je peine à Te reconnaître
dans cette victoire du paraître.

Toi… Bel Inconnu si proche
A ton ciel je m’accroche.
Comment regardes-Tu tes enfants
qui t’ignorent ouvertement 
et qui se moquent de ma foi ?
Qu’attendent-ils pour voir Tes œuvres
au lieu de chercher des preuves
que Tu n’existes pas ? »

Tout au long de ce récit initiatique, on assiste à l’agonie d’une église à bout de souffle.
En revanche, on découvre une Invisible et Divine Présence qui se dévoile peu à peu à travers chaque titre de chapitre…déroulant la vie du père Théo…et sa conversion…
Peut-être que ce fil rouge sera jugé audacieux ou choquant pour certains croyants qui suivent aveuglément leur religion sans se permettre la moindre liberté par peur du courroux d'un Dieu souverain qui pourrait manifester son pouvoir à tout moment.
Pour moi Dieu est proche, simple, sans manière, pourvu d'un amour et d'un humour absolu et Sa Perfection n'est pas synonyme d'autorité mais de bienveillance :


"Il n’y a pas de différence entre l’élan spirituel et l’élan amoureux 
car tout me relie à Dieu.
 Comment vexer, heurter, scandaliser Dieu ? 
Il est au-dessus de nos petites mesquineries humaines. 
Rien ne peut L’atteindre ! " Théophane

J'ai volontairement inséré Dieu dans un récit romantique et intimiste tout simplement parce que je crois qu'Il réside au coeur de nos vies.
 Il est Tout... partout... là... ici et maintenant.
Ainsi, Dieu se faufile dans chaque titre de chapitre... En les mettant bout à bout, vous verrez apparaître le fil rouge de l'histoire... un message essentiel. 
Mais Dieu n'est-Il pas le Fil conducteur de toute vie ?
De la même façon qu'Il pourrait accompagner le père Théo dans cette fiction, je crois qu'Il nous suit dans nos petites vies avec patience et tendresse.
Et puis, n'est-il pas plus  facile et agréable de découvrir une réflexion spirituelle par l'intermédiaire d'un roman plutôt qu'à travers un manuel théologique ennuyeux et obscur ?


Extrait du tome 1


— Et… et comment vous est venue votre vocation ?
— Vous savez ce que veut dire Théophane en Grec ?
— Non !
— Théos signifie Dieu et philein ami : Je suis l’ami de Dieu.
— Hé bien ! fit-elle épatée. Vos parents devaient être super croyants pour vous donner un prénom aussi… prédestiné !
— Ma mère surtout… grâce à elle, je suis l’ami de Dieu depuis ma plus tendre enfance.
— Elle doit être fière de vous !
— Regardez dans le ciel ! s’écria-t-il comme pour détourner la conversation. C’est un faucon crécerelle !
— Un faucon quoi ?
— Un faucon cré-ce-relle, répéta-t-il en articulant. Ce petit rapace à la particularité de rester en sustentation dans le ciel.
— En sustenta-quoi ?
— Il peut tenir immobile entre ciel et terre, expliqua-t-il en riant.
— Comme un hélicoptère ?
— Si vous voulez…

Puis, reprenant son sérieux, il lui confia :
— Pour moi, c’est un signe de Dieu !
— Vous plaisantez ?
— Pas du tout !

Elle partit dans un éclat de rire moqueur :
— Vous prétendez que vous avez une ligne directe avec votre Grand Patron ? Vous en avez de la chance ! Moi, j’ai eu beau lui supplier « Fais-moi un signe ! » Jamais il ne m’a répondu ! Aucune réponse depuis la disparition de toute ma famille…
— On ne peut pas réclamer un signe… seulement l’accueillir…
— Il n’est pas écrit dans la Bible : demande et tu recevras ?
— C’est vrai ! « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira la porte ! » Mais Dieu n’est pas du genre à nous conforter dans nos idées… Quand Il se manifeste, c’est le plus souvent pour nous interpeller, nous déranger. Il ne faut donc pas s’attendre à des signes sur mesure mais… se tenir prêt à accueillir les clins Dieu, que Lui, a envie de nous faire…

Lisane se garda bien de lui avouer qu’à cette époque, elle attendait une réponse précise, quasi miraculeuse pour alléger son chagrin… Rien moins qu’un signe prouvant la survie de sa famille dans une autre dimension. Mais rien… absolument rien n’était venu la rassurer et elle avait sombré dans le doute, la dépression puis elle avait fini par s’éloigner définitivement de la religion.
— Mais alors… ça sert à quoi de frapper s’il n’ouvre pas la porte ?
— Croyez qu’Il vous a déjà ouvert… mais pas la petite porte que vous vouliez car Il donne toujours beaucoup plus que ce que l’on attend…
— Mais vous… quand vous le priez, vous le sollicitez bien un peu quand même ?
— Je ne L’enferme jamais dans une relation qui inclut un signe attendu. Prier c’est tout simplement Lui parler, Lui exprimer nos joies, nos souffrances, nos doutes, nos échecs. A quoi sert de Lui rappeler ce dont nous avons besoin ? Ne le sait-Il pas mieux que nous ? Si vous Le priez pour qu’Il restaure votre espérance, dites seulement « Vois ma peine Seigneur de T’avoir perdu ! » Mais si vous réclamez une concrétisation, une confirmation de Dieu, vous vous fermez à l’inattendu et vous risquez de passer à côté de ce que Lui, a envie de vous révéler.
— Je ne comprends rien, soupira Lisane perplexe. Je ne vois pas la différence entre réclamer un signe et l’accueillir !
— La différence est en nous : celui qui doute, s’enferme dans le besoin d’un signe précis qui se refuse à lui. Celui qui a la foi s’abandonne en Dieu, il ouvre son cœur et laisse la voix libre à la révélation d’un signe.

D’une voix plus lente et plus profonde, il confia :
— Lorsque je prie, je ne demande rien… je libère ce que je ressens c’est tout… et… si un hasard troublant se manifeste… je rends grâce à Dieu.
— Comme pour cet oiseau ?
— Je n’aurais jamais dû vous parler de ce faucon ! se ravisa-t-il un peu contrarié. Vous êtes la première personne à qui j’en parle.
— C’est à mon tour de rendre visite à votre petit enfant intérieur, on dirait… murmura-t-elle avec pertinence. S’il vous plaît ! Dites-moi en quoi cet oiseau représente un signe pour vous ?

Mais le père Théo ne répondit pas. Il s’assit sur le rocher pour profiter du paysage qui s’offrait à lui. les champs étendaient des tapis verts, bruns, ocres, ourlés de haies de mûriers sauvages. Le sentier déroulait son ruban de terre jusqu’au petit calvaire et poursuivait ses courbes vers l’étang de Libeyre. Derrière ce miroir immobile et silencieux se dressait une roche grise et abrupte comme une petite falaise irrégulière puis au-dessus, de nouveaux tapis de camaïeux de verts et enfin le bleu du ciel. Lisane s’installa sans bruit, à côté de lui, sans risquer de rompre le charme de sa contemplation. A gauche, une ferme isolée, à droite un bouquet d’arbres et juste en face, le faucon crécerelle défiait les lois de l’apesanteur en battant des ailes pour tenir en l’air, rabattant la queue en éventail pour s’équilibrer, fixant sa proie à dix mètres au-dessus du sol. Soudain, il fendit l’air pour s’écraser comme une pierre mais il reprit aussitôt de l’altitude afin de retrouver son guet.
— Il a raté sa proie ? risqua Lisane tout bas.
— Hein ? sursauta le prêtre. Ah oui ! Je crois, fit-il comme s’il revenait sur terre.

Il ajouta plus bas :
— La beauté de ce site n’est-il pas en soi, un signe de Dieu ? Contempler un paysage… n’est-ce pas, toucher à l’immensité et à l’infini, faire l’expérience du contentement, être capable de ravissement et de gratitude ?
— Bien sûr… bien sûr… murmura-t-elle impressionnée par l’extrême sensibilité de cet homme.

Le jeune prêtre n’imaginait pas une seule seconde qu’à cet instant précis, elle contemplait un autre paysage : son doux visage… la délicatesse de ses traits… un mystérieux soupçon de mélancolie dans le reflet bleu ardoise de ses yeux sombres. Elle convoitait sa peau mâte irrésistible et sa bouche entrouverte d’un sourire permanent. Tout semblait décontracté et serein en lui : ses traits comme son attitude. Il avait pris appui sur son avant bras, ses épaules épousaient une pose détendue, ses longues mains fines restaient immobiles dans l’herbe. Cette proximité devenait affolante, elle détourna les yeux.
— Alors ? Ce faucon ? En quoi est-il pour vous, un signe de Dieu ?

Plongé dans ses souvenirs, il se confia enfin :
— Il y a une quinzaine d’années… je me promenais à cheval en Sologne, mon pays natal, et j’observais cet oiseau immobile dans le ciel, quand soudain… ne vous moquez pas de moi Lisane, je me suis retrouvé là haut, à la place de ce faucon. J’étais ce faucon !
— Continuez, supplia-t-elle.
— J’ai… j’ai ressenti l’effort de cet oiseau pour rester en sustentation entre ciel et terre… Des paroles se sont imposées dans ma tête sans être prononcées : « Mon enfant, maintiens ton âme entre les deux mondes ! Aie confiance ! Jette-toi en moi ! »

A cet instant précis, j’ai ressenti la chute vertigineuse du faucon et je me suis retrouvé sur le dos de ma jument comme réveillé brutalement. Cette expérience m’a profondément marqué. Un mois plus tard, j’entrais au séminaire. Je crois que l’enjeu de ma vie se trouve dans cet équilibre précaire et pénible : tenir entre ciel et terre ! Entre le spirituel et le matériel ! Et… et cette plongée dans le vide illustre parfaitement l’abandon en Dieu…

— Vous avez peut-être fait un malaise ?
— Ah vous voyez ! Vous ne me croyez pas ! se redressa-t-il vexé.
— Mais si… c’est effectivement troublant ! fit-elle confuse.
— Je ne sais pas ce qui s’est passé… Je sais seulement que je me suis retrouvé ailleurs quelques secondes, le temps pour ma jument de reprendre la direction de l’écurie, par instinct, comme si elle avait perdu son cavalier. Je n’ai rien inventé… d’ailleurs, je n’étais pas spécialement ravi de me retrouver dans le plumage d’un rapace ! J’aurais préféré un oiseau plus noble… comme la colombe qui symbolise la paix.
— Oui mais ce sont les rapaces qui s’attaquent aux serpents ! fit-elle en insistant sur les consonnes sifflantes.
— …et qui terrassent le mal ! renchérit-il du même ton.

Il conclut d’une voix plus conforme à sa fonction :
— Un jour, que j’observais cet oiseau immobile en plein ciel, un ancien agriculteur de Castenon m’a dit dans son patois :
« On dit par cheu nous, qu’ i fait son Saint Esprit ! »




Extrait du tome 2


— Qui vient avec moi ? Je veux faire visiter le domaine à Lucas !

Si les huit résidents s’étaient empressés d’abandonner leurs activités de l’après-midi, ce n’était pas pour le plaisir de faire le tour des Ombelles Blanches ni pour accueillir le nouveau pensionnaire mais pour goûter à la saveur des paroles simples, sages et tellement réparatrices de Théo. Il n’avait même pas réalisé qu’en quelques mots il venait de balayer tous les projets prévus par les animateurs. Ceux-ci avaient désormais l’habitude de s’adapter à ses décisions de dernière minute comme la semaine passée quand les travaux de maçonnerie dans le futur foyer s’étaient transformés en baignade au lac de Coreille parce qu’il avait décrété, à juste titre, qu’il faisait trop chaud…Il était curieux de constater que le simple fait d’être à ses côtés constituait déjà un événement en lui-même que personne ne voulait manquer sauf Lucas qui, comme chaque nouvel arrivant aux Ombelles passait par le stade de rébellion et refusait tout en bloc.
— J’ai horreur des randonnées pédestres…
— Moi c’est pareil, fit Danesh ! D’habitude, j’aime pas marcher… mais là… tu n’vas pas le regretter ! Théo a pris sa guitare…
— C’est pourri comme région ! Complètement paumé ! J’ai jamais voulu m’retrouver aux Ombrelles ! Il est nul ce foyer…
— Pas aux ombrelles, aux Ombelles ! corrigea Justine en riant.
— Encore pire ! Ça veut rien dire les ombelles

Juste derrière eux, Théo avait entendu la discussion sans se manifester. Il cueillit une mauvaise herbe qui envahissait les fossés et la tendit à Lucas.
— Tiens, c’est pour toi !
— Non mais, tu m’cherches ou quoi ? Toi aussi tu veux m’humilier, me mépriser, me rappeler qui j’suis ? Une sale graine ! Depuis que je suis né, on n’arrête pas de me répéter que je suis aussi nuisible que le chiendent !
— C’est une ombelle blanche…
— C’est moche ! fit Lucas aussi sec en prenant la fleur pour la jeter par terre et l’écraser avec dédain.
— Tu as un certain « parti pris des choses » qui n’a rien à voir avec celui de Francis Ponge…

Théo en attrapa une autre sur le bord du chemin et tout en marchant il se mit à citer l’auteur :
« Les ombelles ne font pas d’ombre,
 mais de l’ombe : c’est plus doux.
Le soleil les attire et le vent les balance.
Leur tige est longue et sans raideur.
Mais elles sont fidèles à leur talus.
Comme une broderie à la main,
Ces fleurs ne sont pas tout à fait blanches,
mais s’élèvent aussi haut
et s’étalent aussi largement
que le permette la grâce de leur tige… »
— Comme c’est joli ! s’extasia Justine. Vous êtes poète à vos heures père Théo…
— J’ai certainement massacré le texte original mais j’ai le livre dans ma bibliothèque si tu veux…

Puis s’adressant au reste du groupe, il les rassembla :
— Arrêtons-nous face au lac… La vue est magnifique !
— On va se baigner ? demanda Martin.
— Tout à l’heure, promis… je vous emmènerai là où l’on se baignait avec Nahem quand nous étions petits. Mais pour le moment, venez vous asseoir ici, à l’ombre. Je veux célébrer avec vous la beauté du monde… Prenez une ombelle… Ce n’est que la fleur d’une mauvaise herbe… Mais rien n’est plus beau pour qui sait contempler l’essentiel dans la simplicité…

La plupart des jeunes avaient déjà les pieds dans l’eau mais ils revinrent de bonne grâce s’installer sur leur serviette de plage. Tous étaient conscients, pour avoir suivi sa dernière intervention télévisée, de la chance qu’ils avaient de pouvoir profiter d’un enseignement en direct de ce grand maître. Tous, excepté Lucas, arrivé la veille, qui n’avait encore jamais entendu parler de lui. Suspendus à ses lèvres, les jeunes buvaient ses paroles comme à la source vive en observant cette fleur modeste qui couvre les bordures des chemins et qu’on appelle communément fleur de carotte sauvage. Ils se laissaient porter par sa voix douce exécutant chacune de ses consignes, s’étonnaient en retournant la fleur de pouvoir contempler une quinzaine de ramifications fines et droites, qui s’ouvraient comme des rayons verts jouant avec la lumière du soleil. Chaque rayon se terminait par un nouveau bouquet de ramifications plus fines encore qui aboutissaient toutes à une minuscule fleur à peine visible. En s’approchant, on pouvait même distinguer cinq pétales et un cœur jaune presque imperceptible à l’œil nu et pourtant coupable d’affadir la blancheur de cette fleur. Des millions de fleurs dans les fossés… aucune identique et pourtant, la structure de chacune d’entre elles, révélait une architecture parfaite !
Lucas participait à sa première leçon de contemplation.
— C’est comme un bouquet de bouquets de fleurs ! s’étonna Martin.
— Dans chacune d’elle, il y a environ cinq cent quarante petites fleurs ! ajouta Clément émerveillé.
— Vraiment ? s’exclama Théo épaté. Tu les as comptées une par une ?
— Mais non ! J’ai d’abord compté les bouquets qui composent la fleur puis le nombre de fleurs dans un bouquet ! Quinze fois trente six, ça fait cinq cent quarante petites fleurs !
— Hé bien dis-moi ! Tu as de bons yeux… et tu es fort en calcul !

Prudemment, doucement, il interpella le petit nouveau.
— Alors Lucas… tu vois ? Il n’existe pas de mauvaises herbes ni de mauvaises graines, il n’existe pas en ce monde une seule région pourrie où paumée. Ce foyer n’est pas nul. Personnellement, j’aime beaucoup son nom « Ombelles Blanches… » car il est synonyme d’humilité. Et si une insignifiante mauvaise herbe recèle autant de trésors de beauté et de subtilité… Alors toi… Lucas ! Qu’est-ce que tu nous réserves ?

Insensible, hermétique, Lucas semblait comme hébété… suspendu par des paroles qui ne pouvaient pas encore l’atteindre. Justine se rappela qu’il fallait un certain temps d’adaptation avant de pouvoir évoluer avec aisance dans le monde singulier de Théo. Elle lui dit :
— Laisse-toi faire Lucas, écoute-le… tu comprendras beaucoup de choses quand tu auras entendu ses chansons et ses émissions. Nous les avons enregistrées au foyer. La dernière a été… particulièrement instructive… fit-elle en se tournant vers l’intéressé d’un ton malicieux, tellement déroutante que le journaliste a oublié des questions que j’aurais bien aimé vous poser…
— Mais je serais heureux d’y répondre rien que pour toi… proposa Théo avec un brin de galanterie flatteuse.
— Vous avez parlé de l’importance de nos pensées constructives mais j’aimerais comprendre pourquoi les miennes n’aboutissent jamais !
— Moi, c’est pareil ! coupa Alexis aussitôt. Pourquoi je n’arrive à rien ? Pourtant, je vous assure père Théo que mes pensées sont positives et profondes… autant dire une véritable obsession !
— Et là… doucement ! En voilà des pensées bien maladroites quand on voit comment vous évoluez tous les deux en ce moment !
— C’est vrai que ma vie a changé depuis que je suis là… reconnut Justine un peu gênée. Mais depuis dix ans que je me drogue… que de souffrances, de rechutes, de bâtons dans les roues !
— Que de persévérance… de volonté… de patience… de projets… de foi… Quel magnifique témoignage tu offres à tous ceux qui entament leur désintoxication ! s’exclama Théo avec tendresse et admiration. Il ajouta en souriant : ai-je répondu à ta question ?
— Je suis stupide ! admit-elle d’une voix confuse. Mes préoccupations restent égoïstes donc étriquées comme mes pensées…
— Mais vous n’avez pas répondu à la mienne, père Théo ! ajouta Alexis avec agacement. Vous savez pourtant à quel point je suis motivé pour maigrir… J’ai essayé tous les régimes !
— Est-ce que tu te débarrasses vraiment de toutes ces pensées parasites qui peuvent nuire à la certitude que tu es en train de gagner la partie ?
— Comment pouvez-vous dire ça, père Théo ? protesta-t-il avec véhémence. Je ne pense qu’aux solutions ! Je me bats ! Je ne me complais pas dans mes problèmes de surpoids !
— Et hier… au manège ? Nahem m’a rapporté ton manque de confiance, ce manque de foi qui est exaucé, entretenu, perpétué…

Alexis cacha son visage dans ses mains pour dissimuler ses larmes. Il se rappelait les terribles paroles qu’il avait déblatérées parce qu’il ne parvenait pas à se hisser sur le cheval : « Je suis un incapable… un gros nul… je n’y arriverai jamais… je n’en vaux pas la peine… de toute façon personne ne croit en moi… et puis, je suis moche ! » Désolé de lui infliger la dure réalité de ses pensées, Théo s’approcha, l’entoura de ses bras pour le réconforter et lui murmura :
— Et pourtant, si tu voyais comme tu es beau… précieux… unique… digne d’être aimé ! Crois-moi ! C’est vrai ! N’en doute jamais !

Théo se releva et s’adressa alors à tous les jeunes :
— Tant que vous refuserez l’estime que vous méritez, tant que vous n’aurez pas foi en vous, tant que vous ne vous aimerez pas, ne cherchez pas à décrocher de la drogue, de l’alcool ou de toute autre addiction, vos efforts resteront des coups d’épée dans l’eau…

A l’écart, Martin trépignait, il décida de révéler sa souffrance à son tour.
— Ah oui ? Mais alors, expliquez-moi père Théo ! Mon père était chef d’entreprise, sûr de lui et confiant dans la médecine ! Pourtant il est mort d’un cancer après s’être battu des années en ne manifestant que sa volonté de guérir ! Jusqu’au bout, il a fait preuve de force et de courage… Pourquoi n’a-t-il pas été exaucé ?
— Mourir fait partie de la vie… amena Théo avec ménagement. Mourir est le dernier acte que nous accomplissons sur cette terre. Il ne devrait pas être la scène d’un conflit entre l’âme qui ne désire rien d’autre que de rentrer chez elle dans la vraie vie avec la conscience du devoir accompli et l’égo qui résiste et refuse de quitter son enveloppe terrestre. Le passage de la vie à la vraie vie pourrait être moins long et moins douloureux si l’égo acceptait de lâcher prise. Il faudrait déjà que la médecine pense juste, elle aussi, en abandonnant l’idée que la mort est un échec. En ce qui te concerne Martin, penser juste, consiste pour toi, à porter ton fardeau, pas celui de ton père. Concentre-toi sur Tes actes qui épanouiront Ta vie ! Essaie de porter Ta propre tâche avant de te charger de celle des autres.

6 commentaires:

  1. Je viens de terminer le premier tome qui m'a touché profondément et m'a beaucoup plu.
    Chrétien d'origine protestante évangélique

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  2. Merci. N'hésitez pas à partager le récit et à me solliciter vos questions. Soléa

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  3. Bonjour solea , le probleme fondamental est que nous n,avons aucune preuve de l,existence de dieu,tout ceci n,est que purs speculations?

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  4. Dans tous les cas votre livre m'a toucher profondement merci et bravo¡¡¡

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  5. Mais cette capacité de spéculer Marco, d'où nous vient-elle ? N'est-elle pas ce qui nous différencie des animaux ? N'est-elle pas déjà en soi une preuve qu'un créateur nous a conçu "spirituel" ?
    Quel est cet étrange besoin de savoir d'où nous venons, cette quête incessante de savoir qui nous sommes vraiment ? Pourquoi as-tu été attiré par ce genre de lecture spirituelle ?
    N'as-tu pas ressenti parfois un moment de pure conscience, un espace où tu te sens conscient d'être conscient, un moment d'êtreté où tu te sais plus grand que la forme, plus grand que ton corps, plus grand que tes pensées, tes souvenirs, ton passé, ton histoire... où tu réalises que ce monde matériel qui nous entoure n'est là que pour nous faire expérimenter une vie terrestre basée sur la dualité. Pourquoi faire ? Qu'est-ce que notre âme à besoin de comprendre dans ce jeu de la dualité rempli de frictions, de questionnements, de choix ?
    Ce principe d'évolution ne te semble pas flagrant ? comme si tout se déroulait sous nos yeux pour nous permettre de grandir... Mais qui veut nous faire grandir ? Pourquoi ?
    Tu dis que nous n'avons aucune preuve de l'existence de Dieu mais ne crois-tu pas que la vie est un perpétuel miracle, que le moindre brin d'herbe est une preuve de Dieu ?
    Cet échange même est un miracle... Ne vois-tu pas la beauté du moindre contact les uns avec les autres ? Tout dépend de nous, de ce que nous voulons être vraiment.
    Affectueusement
    Soléa

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  6. Comme si il fallait que livre ne se termine jamais c'est le seul desir que j'ai eu quand je suis arrivé à la fin franchement moi celui qui m'a trop intrigué ce n'est pas théophane mais je me demandais après chaque lecture mais c'est qui ce genre d'auteur il n'est pas humain je suis Burundais et vraiment ce livre était tout ce dont j'avais besoin en tout cas merci infiniment

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